Musiques anciennes et parcours d’improvisation : une résidence longue de création en milieu rural avec l’artiste associé Noël Akchoté.
Projet soutenu par la DRAC Bretagne.

Pour cette première saison 2024 – 2025, Plages Magnétiques a proposé à Noël Akchoté d’imaginer une création autour des musiques anciennes qui l’inspirent depuis longtemps et plus spécifiquement l’interprétation de celles-ci par le prisme de l’improvisation, pour un pont fait entre musiques écrites patrimoniales et improvisations au temps présent.
Cette résidence se déroulera sur deux territoires du département du Finistère : dans le Nord avec l’association Son Ar Mein, et en presqu’île de Crozon avec l’association Kaniri Ar Mor.
L’idée de cette résidence est d’effectuer un travail de création sur site, tout en effectuant des rebonds autour de temps musicaux partagés avec des amateur.ice.s finistérien.ne.s. Ce projet est en effet ouvert à une équipe de musicien.nes amateur.ices qui pourront partager la scène avec lui, finalisation du travail commun, ou être impliqués dans des formes autres de restitution, à construire au fil de la présence de l’artiste sur le territoire.
Installé sur la presqu’ile de Rhuys dans le Morbihan après avoir vécu à Paris ou à Vienne, Noël Akchoté s’intéresse notamment à l’histoire, au continuum de la musique à travers le temps.
Ensemble, avec nos deux partenaires locaux, et au gré des rencontres sur le terrain, nous imaginerons des événements dans des lieux patrimoniaux, des espaces naturels, ou dans des espaces dédiés à la culture situés en zone rurale.
Carnet de bord
Du 10 au 12 mars 2025 : premier voyage, première étape de la résidence de création en prequ’île de Crozon, en compagnie de Yannick Le Bitter, directeur de l’école intercommunale de danse et musique Kaniri Ar Mor.
Nous avons commencé notre voyage par la visite du musée de l’ancienne Abbaye de Landévennec, guidés par une équipe enthousiasmée par l’entrée « musiques anciennes » de notre projet, notamment à travers la figure de la compositrice Hildegard von Bingen (11e, 12e siècle). Véritable star du moyen-âge, celle qui fût également poétesse, illustratrice, théologienne, et naturaliste, son oeuvre inspire Noël Akchoté et se dessine l’envie de proposer un parcours au sein des ruines de l’Abbaye…
Une date idéale est posée, pendant les Journées Européennes du Patrimoine : le samedi 20 septembre 2025.
Nous rencontrons ensuite Jean-Yves Bosseur qui habite à trois pas du musée. C’est un compositeur de musique contemporaine qui a croisé la route de Luc Ferrari, Stockhausen, Annie Ebrel, mais aussi d’Archie Shepp ! Un homme de musique aussi peu versé en catégories de style que Noël Akchoté. Anciennement altiste, il ne joue plus mais continue de composer, écrire (notamment un récent livre d’entretien avec Joëlle Léandre !) et serait ravi de proposer quelque chose à notre projet, si de nouveaux déploiements étaient possibles.
Le lendemain, direction la ville pour un rendez-vous avec Maude Vincent, coordinatrice culturelle de la Communauté de Communes de Crozon, au centre culturel L’Améthyste. Nous lui présentons Noël Akchoté, ce projet, et discutons en posant des questions, en ouvrant des pistes ; nous cherchons des liens des passerelles… Elle nous parle des acteurs culturels du territoire, des établissements scolaires, et du centre social Ulamir.
Juste en face du bel et récent équipement culturel, nous franchissons ensuite la porte de Kaniri Ar Mor, pour la première rencontre en musique avec les 10 participant·es du projet, parmi lesquels cinq femmes, équité assurée !
Noël Akchoté entre directement dans la musique avec une première lecture déchiffrage en collectif du corpus de partitions fournies au préalable. Mais ces partitions deviennent vite secondaires et l’artiste enjoint les musicien·nes à jouer comme la musique vient à elles et eux. « L’erreur c’est relatif, c’est du jugement, mais ce n’est pas ça qui m’intéresse. » dit-il.
Trois premiers morceaux sont joués, détournés, répétés :
Guillaume de Machaut (1300-1377) 02 – Kyrie (Messe de Nostre Dame)
Première partition signée par un compositeur, écrite pour la cathédrale ND de Reims, tradition chanson de geste.
Hildegard Von Bingen (1098-1179) 01 – O Virtus Sapiente
Ornette Coleman (1930-2015) 03 – Broken Shadows
Est abordée la notion de rubato (avec une grande liberté rythmique) et la notation en neume.
Noël Akchoté dit que ce projet est défini par un créneau temporel, et qu’il s’agit de montrer que la musique ancienne est au présent.
L’ensemble des participant·es semble ravi de ce premier temps d’échange, nous convenons de nous revoir au minimum quatre fois supplémentaires.
Le lendemain nous partons au Cap de la Chèvre pour rencontrer Armel Ménez, directeur, géologue et animateur de la Maison des minéraux de Crozon. Les échanges vont bon train de bon matin, autour des sciences et de la philosophie. Armel fait un parallèle sur le créneau du temps du projet, et celui des roches et minéraux : « Regarder un signal sismique, c’est une onde, c’est aussi du son. Mon travail est aussi celui de la temporalité, entre aujourd’hui et des millions d’années. »
On trouve des similitudes sur notre travail, sur l’observation de phénomènes universels : musique médiévale, musique improvisée, musique qui sort de soi, on parle des mêmes choses à travers les âges / cyclicité dans le chaos, cycle des roches / rien ne se perd tout se transforme. Noël avoue s’intéresser à la recherche de ce qui est commun ; car ce qui peut être clair dans la science, est flou dans son domaine.
Armel se demande s’il existe un nom pour les espaces naturels qui donnent envie d’écrire de la musique, à l’instar des sites pittoresques inspirant les peintres ?
Au Cap de la Chèvre existe le projet « Territoire Sonore », basé sur des interviews d’habitant·es et formant aujourd’hui des balades sonores accessibles en géolocalisation. Elles sont également audibles sur le musée virtuel de la maison des minéraux : https://expoos.mmx.bzh/rubrique31.html
On parle d’organiser quelque chose ensemble en extérieur, ou dans la salle des minéraux fluorescents. D’ailleurs, la visite de cette salle fait grande impression. On évoque l’idée de créer une bande sonore pour le lieu, comme une bande son qui nous situerait dans un temps hors du temps, un « créneau temporel »… et Noël Akchoté pourrait jouer avec cette bande sonore…. Affaire à suivre.