Musique, son, bruit

Tribune

Est-ce une hiérarchie ou de simples qualificatifs d’un environnement sonore ? Il y a bien des musiques bruitistes, où les sons s’extirpent de la gamme établie. Il y a d’autres musiques perçues comme bruitistes, aux sons pouvant heurter, choquer. Le bruit, c’est généralement celui du frigo, celui des ”marteaux piqueurs à huit heures”, celui des sirènes, celui de l’acouphène ou encore le boom boom des voisins toute la nuit.

Ce dernier, est-ce bien du bruit ou plutôt de la musique, qui entraîne ou révulse ? À chacun ses goûts, on adore ou déteste la techno, le free jazz, la pop, le métal…. Mais ces musiques sont toujours lieux de fête, de partage, de vie, même quand elles envahissent et deviennent nuisances. Pendant les mois de confinement, nous avons pu vivre une ville silencieuse, les vrombissements des voitures ont laissé la place aux chants des oiseaux. Quel bonheur, un vrai plaisir, un luxe au prix trop cher, celui de l’interruption de toute vie sociale, des amoureux séparés, de proches absents, des vieux isolés…

Bien sûr que le bruit nous dérange. D’ailleurs c’est ce que peuvent rechercher certain·es musicien·nes, tout comme des plasticien·nes, des cinéastes, des écrivain·es peuvent nous mettre face à l’insupportable, nous pousser dans nos retranchements. Le bruit peut être musique parce qu’il est avant tout social, et la réaction individuelle ou collective face à lui l’est aussi. Certains sont inéluctables, tolérés, agréés, comme le périphérique au pied des HLM. D’autres sont ardemment combattus, amplifiés dans nos oreilles par les pouvoirs, pour nous faire fermer les yeux sur ce qui ce passe ailleurs, au risque du pire. Afin de faire cesser les beats, les basses et la fête insouciante, aujourd’hui, on finit par mutiler ou tuer. Décidément, la musique interroge toujours la société, et parfois la heurte violemment jusqu’à ce qu’elle commette l’inadmissible et l’inexcusable.

Mais elle sera toujours préférable aux bruits des bottes ou aux silences des pantoufles.